La CCFV : de la réflexion aux propositions du rapport. Episode 2

La CCFV : de la réflexion aux propositions du rapport. Episode 2
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Suite de la synthèse de la presse par notre collègue Jean Bouhours (la première partie est à lire ici)

C’est le 9 décembre 2022 que la CCFV ouvre ses travaux conformément au souhait du Président de la République d’éclairer la question de la fin de vie en la confiant à la parole citoyenne. Deux mois se sont écoulés pour mettre en place, sous la responsabilité du CESE, son Président, Thierry Beaudet et sa Présidente du Comité de Gouvernance, Claire Thoury. Deux mois au cours desquels les critiques n’ont pas manqué, relatives au choix de la participation citoyenne pour éclairer le débat dont s’étaient déjà emparé partisans et adversaires de l’évolution de la loi Claeys-Léonetti de 2016. C’est Olivier Véran, chargé de faire le lien avec les parlementaires et Agnès Firmin Le Bodo, avec les professions de santé qui animeront l’interface gouvernementale.

Le CESE, maître d’ouvrage de la Convention a articulé les 9 sessions de la Convention en 3 phases :

1. Sessions 1 et 2 : appropriation et rencontre ;

2. Sessions 3 à 6 : délibérations ;

3. Sessions 7 à 9 : harmonisation et restitution.

Le débat va mettre en scène une Convention dont les travaux seront scrutés, défendus ou remis en cause par la presse écrite et tous les intervenants de l’actualité dont le monde médical et celui des soignants, par tous les acteurs impliqués dans la question de la fin de vie.

Rappel de la question posée par Élisabeth Borne, Première Ministre : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

1. La Convention : un exercice démocratique qui ne fait pas l’unanimité.

Jean Léonetti, invité absent lors de la première session pour faire le point, avec Alain Claeys, sur la loi de 2016 précisera, dans un article au Figaro, « on a l’impression que les jeux sont déjà faits. » D’autres expressions, toujours tirées de la même source (Le Figaro), apparaissent, telles que « Grand malentendu » ou « démarche en trompe-l’œil » complétant ainsi le scepticisme affiché. Comme pour enfoncer le clou, après les votes de la 3ème session, La Croix (9/1/2023) reprend l’idée selon laquelle « les plus sceptiques sur l’utilité de la convention verront que les jeux sont faits d’avance. ». Un pessimisme auquel Claire Thoury répond que le résultat des votes indique une tendance « certes, mais rien n’est décidé et encore moins gravé dans le marbre. »

Derrière l’idée que les jeux seraient faits d’avance, il y a la crainte qu’exprime le Professeur Sicard : le danger majeur de cet exercice « que l’euthanasie, qui ne concernerait qu’un nombre infime de personnes, capture toute la réflexion au détriment de toute la fin de vie en France. ».

Des dés pipés ou une volonté sous-jacente de travestir l’enjeu du débat, tels sont les deux principaux reproches adressés à l’exercice de la parole citoyenne.

Pourtant, cette même parole a ses défenseurs : à commencer par celle de Claire Thoury lorsqu’elle affirme : « cette contribution sera la pierre angulaire du débat mais on ne leur [les conventionnels] demandera pas d’écrire la loi. ». Elle ajoutera plus tard, dans son bilan, que la Convention est un « outil formidable ». (Le Parisien, 4/3/2023) Quant à Jonathan Denis, Président de l’ADMD, comme pour répondre aux craintes du Professeur Sicard, souhaite « un vrai travail » évoquant par cette expression « des points de convergence sur la nécessité de développer les soins palliatifs. ». Il rend hommage, par ailleurs, au travail des conventionnels : « La Convention a fait un travail superbe. » Une façon de souhaiter « un débat apaisé ». (Libération 9/12/2022). Jusqu’à l’Élysée qui veut voir dans la CCFV « la pérennisation d’un nouvel outil démocratique » et, s’il fallait appuyer cette opinion favorable, il suffirait de citer Olivier Véran plaidant pour « que l’on suive à 100% l’avis de la Convention. ».

2. Un travail lucide et organisé

Les membres de la Convention ont « témoigné, ainsi que le reconnaît Emmanuel Hirsch, de la force d’une intelligence collective. » (Le Figaro, 3/4/2023).

Les conventionnels, citoyens mais non experts, ont articulé leur travaux dans un cadre organisé et progressif. Au rythme des séances plénières, des travaux thématiques en commissions et des auditions de spécialistes, ils ont muri leur réflexion. De votes provisoires en votes définitifs, ils ont, au cours des deux dernières sessions finalisé ce qui deviendra « leur livrable », le rapport qui sera remis le 3 avril 2023 au Président de la république et que leur manifeste ouvrira.

Ainsi, c’est au cours de la 3ème session, première phase des délibérations qu’un vote informel a répondu à la question de savoir si « l’accompagnement de la fin de vie était satisfaisant ». (La Croix, 9/1/2023). « Une majorité des 184 participants – 105 sur 156 votants – est favorable à une modification de la loi. ». Le quotidien n’hésitant pas à en tirer une conclusion mitigée et, pour le moins hâtive : « Les plus sceptiques sur l’utilité de cette Convention verront dans ce résultat la confirmation que les jeux sont faits d’avance. Les plus optimistes souligneront, au contraire, qu’il reste encore six sessions avant la remise des recommandations au gouvernement. » Il est cependant nécessaire, pour la véracité des informations, de rappeler les principaux résultats des votes des citoyens.

 

Oui

Non

Abstention

Le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ?

16%

82%

2%

Quelle que soit votre opinion sur l’aide à mourir, le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie doit-il être amélioré ?

97%

3%

0%

L’accès de l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ?

76%

23%

1%

Résultats dont peu d’organes de la presse écrite se sont faits l’écho. Le Figaro, en titrant « La Convention citoyenne favorable à l’aide active à mourir », La Croix : « La Convention vote pour l’ouverture d’une « aide active à mourir » », Libération : « La Convention citoyenne dit oui à « l’aide active à mourir. » »

Ce qui est notable toutefois, c’est que ces votes ont ranimé les commentaires des opposants comme des partisans de l’aide active à mourir. Le Figaro parle « d’un glissement éthique majeur que refusent les soignants », Libération note : « une vision des citoyens très libérale », fondée sur la « liberté de choix » et la « dignité » et pour terminer, La croix : « La mort fait peur à ceux qui n’y sont pas confrontés ».

Du côté du gouvernement, la prudence est de mise. Ainsi le Président lui-même insiste sur la nécessité d’éviter toute interférence entre le travail d’évaluation parlementaire et la réflexion « citoyenne ».

3. Vers un modèle Français de la fin de vie

S’appuyant sur les dissensus apparus dans les votes, La Croix émet des réserves quant à l’existence d’un futur « modèle français ». « Difficile donc, à ce stade, d’imaginer ce que pourrait être demain le modèle français » et d’ajouter « En revanche, un consensus net s’est dessiné sur la nécessité d’améliorer l’accompagnement de la fin de vie, notamment par le développement des soins palliatifs. ».

Si, pour Libération, « Il est clair que les citoyens veulent que, dans leur rapport, leurs propositions sur l’accompagnement de la fin de vie soient aussi valorisées que leurs positions sur l’aide active à mourir. »

En guise de conclusion de ce deuxième temps, citons le Professeur d’histoire contemporaine, Guillaume Cuchet à qui le Figaro a ouvert ses colonnes. Il évoque « une révolution anthropologique » que représenterait une loi sur l’euthanasie et la recherche d’un « nouvel art de mourir ». « Tout se passe comme si les baby-boomers, après avoir révolutionné l’enfance, la jeunesse, le mariage, la sexualité, la maturité, allaient, en guise de cadeau de départ, en quelque sorte, révolutionner la mort. »