"Vivre en soins palliatifs le plus paisiblement possible comme chez soi " à la maison l’Ostalet à Agen

"Vivre en soins palliatifs le plus paisiblement possible comme chez soi " à la maison l’Ostalet à Agen
Sylvie Schoonberg et son équipe

Compte-rendu d’un entretien avec la Docteure Sylvie Schoonberg, Présidente de l’association « Palliadol47», à l’origine du projet. Propos recueillis par Jean-Louis BOURZEIX le 23/01/2024

En bref

Figure 1 : implantation du projet

La maison de répit « l’Ostalet » est un projet innovant qui répond à un réel besoin : améliorer la prise en charge des patients en fin de vie et à soulager les aidants. Si le financement du projet est assuré, la maison de répit « l’Ostalet » pourrait ouvrir ses portes en 2026. Elle pourrait servir de modèle pour la création d’autres maisons de répit en France.


« Vivre en soins palliatifs le plus paisiblement possible, comme chez soi, dans la vie, une maison à taille humaine, ouverte sur la nature, propice à la sérénité »

Au sein de la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie (CRSA) de la Nouvelle-Aquitaine, le Conseil d’Orientation pour un « meilleur accompagnement des Fins de Vie en Nouvelle-Aquitaine / Vers la constitution d’un plan régional sur les Fins de Vie » souhaite mettre en perspective le projet de la maison de répit « l’Ostalet » située à Agen.

Présentation de la Docteure Schoonberg

La Docteure Sylvie Schoonberg a consacré toute sa carrière aux soins palliatifs. Elle est membre du conseil d’administration de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) (https://sfap.org).

Elle a débuté, dans le Nord-Pas-de-Calais, comme responsable d’une Unité de Soins Palliatifs (USP) et d’une Équipe Mobile de Soins Palliatifs intra-hospitalière (EMSP) pour ensuite s’installer dans le Lot-et-Garonne. Cela lui a permis d’ouvrir, en 2003, l’EMSP d’Agen qui a été l'une des premières équipes mobiles en France à sortir de l’hôpital pour apporter les soins palliatifs jusqu’au domicile des patients en fin vie.

L'organisation des soins palliatifs en Lot-et-Garonne

En 2016, Sylvie Schoonberg a participé à la mise en place l’USP de l’hôpital d’Agen. En Lot-et-Garonne, 3 EMSP dépendent des hôpitaux d’Agen-Nerac, Villeneuve-sur-Lot et Marmande, et assurent les suivis à la maison. Quand un patient doit être hospitalisé, les lits identifiés de soins palliatifs (LISP) pour les hôpitaux de Nérac, Villeneuve, Fumel et Marmande ainsi que dans le privé à clinique St Hilaire à Agen, et l’USP d’Agen permettent d’apporter une réponse aux demandes.

Personne ne pratique les soins palliatifs dans son coin. Ainsi, chaque patient, qu’il soit à domicile, en EHPAD ou à l’hôpital, a accès à des soins palliatifs de qualité et coordonnés.

Le recrutement de jeunes médecins spécialisés en soins palliatifs est primordial pour obtenir une validation de nouveaux projets. Le recrutement est favorisé en particulier par l’accueil et l’accompagnement d’internes au sein des EMSP. Cependant comme il n’y a actuellement que 2 médecins dédiés à l’USP, malgré 12 lits valorisés seuls 6 sont ouverts (multiple de 6). En 2024, un congé maternité sera remplacé par le recrutement d’un jeune médecin ; en 2025, on peut espérer que les recrutements supplémentaires permettent de repasser à 12 lits.

Les patients en fin de vie sont suivis de manière variable dans les EHPAD du Lot-et-Garonne. Cela dépend, de la motivation du personnel à pratiquer des soins palliatifs et s’il demande ou pas une assistance de la part des EMSP. Le médecin coordonnateur, l’infirmier, mais aussi le patient ou sa famille, peuvent demander cette assistance.

L'origine du projet Ostalet : assurer une transition entre l’USP et le retour au domicile

A l’origine, c’était l’association « Palliadol47» qui gérait le réseau de soins palliatifs du Lot-et-Garonne. Son but était d’améliorer la prise en charge des patients à domicile. Cette association regroupe des professionnels du monde hospitalier, du monde libéral et des bénévoles.

Les intervenants en soins palliatifs ont constaté qu’il manquait quelque chose entre l’hôpital et le domicile. En effet, certains patients n’ont plus besoin du plateau technique de l’hôpital mais pour autant, ne sont pas en capacité de rentrer directement chez eux. Il faut parfois un peu de temps pour mettre en place des aides à la maison ou réhabiliter un logement. Dans d’autres cas, les familles épuisées ont besoin de se reposer. D’autres patients, face à l’épuisement de leurs proches, doivent changer d’atmosphère. Enfin, certaines personnes en fin de vie, ont besoin qu’on les accompagne jusqu’au bout.

L’idée a germé de créer une maison d’accompagnement et de vie sur des modèles de maisons qui existent à l’étranger, notamment celui de la Maison de Tara à Genève ou en France, celle de Besançon (actuellement fermée) et celle de Gardanne (structure importante qui intègre une USP). Les membres de l’association ont commencé à donner forme au projet en formulant des besoins à satisfaire : La maison souhaitée devait rester à taille humaine.

Autre objectif de l'Ostalet : Faciliter le retour à domicile pour désengorger les USP

Après un séjour à l’hôpital, beaucoup de familles ont peur du retour de leurs proches à la maison. En montrant aux patients et à leur famille qu’ils arrivent à vivre comme à la maison, le passage par cette maison, à la sortie de l’USP, facilitera le retour à domicile des patients. La Maison participera ainsi au désengorgement des USP dont certains séjours sont prolongés inutilement : cela libérera des places pour des patients souffrants de problèmes plus aigus.


D'autres références de maisons

Laure Hubidos est à l’origine du projet de la maison de Besançon avec le soutien et l’appui du Professeur Régis Aubry, membre du Comité National Consultatif National d’Éthique (CCNE).  Elle a créé le Collectif National des Maisons de Vie (CNDMV). Dans ce cadre, Laure Hubidos est régulièrement en contact avec le ministère pour créer et accompagner des maisons d’accompagnement.

La maison de répit de la Métropole de Lyon est située à Tassin-la-Demi-Lune. Il s’agit d’une très belle maison située dans un parc. Elle a été financée par un laboratoire. L’exemple de cette maison est inspirant mais il ne correspond cependant pas tout à fait au modèle choisi pour l’Ostalet en raison de sa grande taille et qu’elle s’adresse en majorité aux personnes handicapées (seulement environ 20% des patients sont en fin de vie).


Pourquoi 8 lits ?

La Maison de l’Ostalet accueillera jusqu’à 8 patients tout en conservant la taille d’une maison. Les concepteurs du projet ne veulent pas que cela devienne une institution.Comme la population va vieillir, la taille de la maison ne permettra pas de faire face à la demande. Si c’était le cas, plutôt que de créer des structures trop grandes, il serait préférable de construire de nouvelles maisons, réparties sur le département. Cela permettra de rester à proximité de la famille des patients.

Quels critères d’admission ?

Les professionnels de santé se réunissent régulièrement pour aiguiller au mieux les patients vers l’entité la plus appropriée à leurs besoins : maintien à domicile, USP, LISP, HAD et/ou EMSP selon les situations. Cela en sera de même pour les admissions dans la maison.

Quelle organisation des soins ?

Les soins seront articulés entre des interventions d’infirmiers, de kinésithérapeutes libéraux et de personnels hospitaliers. Très impliqués dans le projet, deux cabinets de soins libéraux, formés aux soins palliatifs, se sont déclarés pour soigner les patients présents dans la maison. Un infirmier sera présent en journée, 7 sur 7. Il coordonnera les différentes interventions, gérera les demandes d’admission et recevra les familles. Le roulement sera assuré par une équipe d’infirmiers libéraux ou de l’EMSP. L’EMSP sera présent une demi-journée par semaine pour coordonner les actions à mener.

Le coût d’un séjour dans cette maison sera environ 5 fois moins élevé qu’en USP. Le projet comporte également un projet sociétal. La fin de vie est un sujet tabou. Une grande part des demandes d’euthanasie est liée à la crainte de souffrir, d’être dégradé physiquement ou de perdre sa dignité. Les soins palliatifs sont souvent cachés car ils sont pratiqués à l’hôpital ou à domicile sans que grand monde ne rende visite aux patients. Tout le contraire d’une Maison vivante comme l’Ostalet.

Une maison vivante

Un habitat partagé avec des étudiants

Dans le cadre d’un habitat partagé (convention avec l’institut de formation en soins infirmiers), deux chambres seront réservées à des étudiants et des internes de l’hôpital. Un logement leur sera proposé gracieusement ainsi qu’une rémunération mensuelle de 400 €. En contrepartie, ces étudiants assureront une surveillance de nuit et donneront, si besoin, l’alarme à l’astreinte infirmière. En second niveau, le médecin d’astreinte de l’USP pourra être également appelé. L’HAD est d’accord pour prendre en charge les patients qui en relèveront. Cette méthode économisera le paiement d’un gardiennage nocturne et apportera de la jeunesse dans la maison.

Des bénévoles au service des patients

Une équipe de bénévoles participera au projet, à la fois, pour accompagner les patients mais également leur rendre des services : aller chercher des courses, cuisiner, entretenir le jardin, …. « Ce n’est pas parce que l’on est en soins palliatifs que l’on n’est pas en vie. Quelqu’un de mourant est autant en vie que nous-même. »

Une préparation des repas sur place

Un traiteur amènera une base pour la préparation des repas. Les entrées et desserts seront confectionnés sur place par des bénévoles ou lors d’ateliers cuisine.

Des animations et un accueil de la parole

On partagera et on fera des activités ensemble pour revenir progressivement à une vie un peu plus normale. Des jeunes en service civique participeront aux animations de la maison. Les activités envisagées tourneront autour de la cuisine, de jeux, balades et sorties au cinéma. Un salon accueillant sera partagé par les familles et patients pour leur permettre de parler de leur vécu, et d’y trouver du soutien.

Un financement diversifié

En 2023, en réponse à un appel à projet, l’ARS a accepté de financer la préparation d’un dossier. Ancien directeur des services de la ville d’Agen, M. Denis Soliveres, est aguerri au fonctionnement des institutions. Cette aide facilite la mobilisation des acteurs publics. Le projet comprend 8 chambres permettant de recevoir 6 patients et 2 proches ou 7 patients et 1 proche. Les patients seront essentiellement accueillis pour des séjours courts (2 à 3 semaines). Cependant, parfois 1 patient sera gardé « jusqu’au bout » si son retour à domicile est difficile. L’objectif de l'Ostalet est de s’occuper de ces patients comme on sait le faire à la maison.

Le budget annuel de fonctionnement est évalué à 350 k€. Le but est de trouver 2 M€ pour ne pas avoir de loyer à payer à Habitalys (bailleur social porteur de la maison) et limiter ainsi le budget annuel de fonctionnement.

Le directeur l’Agence Régionale de Santé (ARS) accepte d’appuyer ce projet à condition qu’il respecte les critères définis dans le plan décennal des soins palliatifs. Le rapport Chauvin prévoit un financement territorial, qui ne sera pas uniquement issu de l’ARS. L’association Palliadol47 a demandé à l’agglomération d’Agen de participer à la hauteur de 200 k€ à la construction de cette maison. Une demande de financement a été présentée également au Conseil Départemental. Palliadol47 a calculé, en fonction du profil des patients, l’économie apportée par la maison au budget affecté aux aides à domicile des personnes. L’association demande au département de verser l’équivalent de 7 heures par jour d’auxiliaire de vie. Une fondation abritée par les petits frères des pauvres https://www.petitsfreresdespauvres.fr donnera 250 k€. Des entreprises affiliées à la Chambre de Commerce et d’Inductrice du Lot-et-Garonne (CCI) https://www.cci47.fr participeront également au financement du projet. Un fabricant de portes et fenêtres et un cimentier de la région sont prêt à participer à la construction de la maison.

Le territoire comprend l’Agglomération, le Département mais aussi la Région. C’est pourquoi, Palliadol47 est en attente d’une rencontre avec des responsables de la Région Nouvelle-Aquitaine pour une participation au financement de la construction mais aussi du fonctionnement.

Un bailleur social a été trouvé : il s’agit d’Habitalys  https://www.habitalys.com. La maison appartiendra à Habitalys. Le bailleur social sera en charge de l’entretien de la maison et des travaux. L'architecte a été retenu : il s’agit d’un architecte toulousain qui avait fait son projet de fin d’étude sur les maisons d’accompagnement.

L'implantation de la Maison

figure 3 : implantation de la maison

La maison sera implantée sur la commune de Foulayronnes https://www.ville-foulayronnes.fr  qui est la plus proche du centre hospitalier d’Agen-Nérac https://www.ch-agen-nerac.fr. Cette commune dispose une crèche qui va déménager en fin d’année.

Figure 4 : Pièces graphiques de la maison

Le projet prévoit la réhabilitation de cette crèche et la construction d’un plateau d’une surface de 500 m2.

Le planning prévisionnel est sur trois ans :

·      2024 : clôture du financement du projet et appels d’offres

·      2025 : construction du bâtiment

·      2026 : ouverture de la maison l’Ostalet

Au sein de la SFAP, Sylvie Schoonberg co-anime un groupe travail sur les maisons d’accompagnement et de répit. Une enquête a été lancée auprès des EMSP et USP pour identifier leurs attentes vis-à-vis de ces maisons et le profil de patients pouvant y être admis. Il s’agit également de partager les expériences des personnes qui se lancent dans des projets similaires et ainsi s’enrichir mutuellement. Les résultats de cette enquête pourraient être prochainement publiés dans le journal Le Monde. Le résultat complet de cette enquête devrait être communiqué, en juin 2024, lors du prochain congrès de la SFAP à Poitiers.